La Croix

CULTURE, vendredi, 13 janvier 2006, p. 21

 

PORTRAIT Isabelle Huppert, interprète des photographes. Présentée au Musée d'art moderne de New York à l'automne dernier, une exposition de 120 portraits d'Isabelle Huppert réalisées par 75 photographes s'ouvre au Couvent des Cordeliers à Paris. Un voyage dans la photographie contemporaine autant qu'une découverte des mille visages d'une comédienne.

 

WELCOMME Geneviève

Derrière ses lunettes noires pour Willy Ronis ; sous des airs de femme fatale pour Patrick Demarchelier ; cheveux tirés, classique, pour le studio Harcourt... toujours la même et, bien sûr, à chaque fois réinventée, Isabelle Huppert est dans l'objectif des plus grands photographes. Depuis ses débuts dans la profession, la comédienne s'est prêtée de bonne grâce à leur discipline. Une fascination ? « Un travail, corrige-t-elle, dans le prolongement de mon métier. » Une carrière de près de trente ans, au théâtre et au cinéma, des rôles pour lesquels elle s'engage totalement. Isabelle Huppert a la stature d'une star qui avance comme un artisan soucieux de perfection. D'où, peut-être, cet abord légèrement revêche. Peut-on reprocher à une comédienne de mettre en pratique une réserve qui manque tant ailleurs ?

La diversité des visages qu'on découvre aujourd'hui parle d'elle-même. Stradivarius pour auteurs en quête d'interprètes, Isabelle Huppert se donne d'autant plus volontiers qu'on lui propose des partitions peu déchiffrées. Son parcours, jalonné de repères solides - Bob Wilson, Claude Régy, Jacques Lacascade au théâtre... Claude Chabrol, Michaël Haneke au cinéma... -, a toujours laissé place au risque. Ici, avec les photographes, elle reconnaît n'en avoir pris aucun. Dans les moments de pause qu'elle s'accorde auprès d'eux - c'est elle qui les choisit, voire qui les sollicite -, elle affirme vivre dans un état mental quasi identique à celui qui l'habite lorsqu'elle s'empare d'un personnage. « Un sentiment à la fois de conscience extrême et de vide. Ce vide qui permet sans doute à l'autre de venir se loger, comme le regard du photographe. » Ou celui du spectateur qui la voit jouer. Réalisées le plus souvent dans un contexte vif et léger, « les grands photographes travaillent vite », se souvient l'actrice, ces 120 photos en disent sans doute moins sur la femme ou l'actrice que sur l'histoire de la photographie. Humanistes (Édouard Boubat, Henri Cartier-Bresson, Robert Doisneau), explorateurs (Ange Leccia, Hedi Slimane) ou reporters (Raymond Depardon), chaque photographe projette ses images sur le beau visage, comme sur un écran blanc.

Couvent des Cordeliers, 15, rue de l'École-de-Médecine, 75006 Paris, jusqu'au 25 février. Le livre : Isabelle Huppert, la femme aux portraits, Le Seuil, 167 p., 35 Euro.

« Hommage à Isabelle Huppert » à la Cinémathèque française, jusqu'au 12 février. Rens. www.cinematheque.fr

GENEVIÔVE WELCOMME