Isabelle Huppert dans la presse

Libération, 10 Avril 1997

Isabelle Huppert, 44 ans, ne se fie qu'aux lois de la discrétion et du désir. Elle revient sur les écrans en Marie Curie. Par Philippe Lançon

 

Longtemps, Isabelle Huppert a aimé jouer les fillettes. Son personnage de la Dentellière en avait fait la Galathée neurasthénique du cinéma français; mais son érotisme diaphane rappela vite les jeunes filles aux seins nus de Balthus. Liberté, alacrité, perversité: c'était la devise. A 28 ans, elle avait déjà quelques grands rôles derrière elle, des rôles mordeurs comme son désir de «trop bien vouloir vivre»: Violette Nozière, Loulou, Sauve qui peut la vie. On était en mai 1981.

Cette année-là, elle expliqua aux Cahiers du cinéma: «Je ne veux pas me vieillir à l'écran. Je crois que je ne veux pas jouer les mères. C'est très réaliste, une mère.» Après six ans de psychanalyse, elle n'arrivait pas à faire d'enfant et pensait qu'être actrice, c'était «séduire son père». Elle détestait son profil gauche, concentré joufflu de cet «unique problème»: «un visage très large, un visage de l'Est». Claude Chabrol, son mentor ironique et ami, aimait parfois caresser ce profil traître du bout de l'objectif, pour rendre folle sa future Bovary. Bref, si l'actrice était au sommet, la femme semblait plutôt dans la crevasse.

Seize ans et deux enfants, bientôt trois, plus tard, son visage s'est sculpté. Elle est plus belle que jamais. Son minois d'amazone est relevé par une voix perchée, bourgeoise, parfois presque sèche, qui rappelle son éducation éclairée dans une maison de Ville-d'Avray. L'oeil est abandonné à sa vivacité sous des fins sourcils de seigle. Ni mascara, ni fond de teint: celle qui a choisi le métier d'actrice pour se «cacher» se maquille peu, juste les lèvres, parfaitement dessinées. Pour se cacher, il y a les mots; ils viennent lentement: elle déteste parler d'elle-même précisément, ne le fait que derrière un épais rideau de réflexions générales, qui sentent son ex-analysée et se terminent presque toujours par un: «j'ai été claire?».

Et ce profil gauche? «Vous savez, une actrice s'aime rarement... sur ce profil, j'ai changé. Parfois, j'en viens à le préférer au droit. Quand j'étais adolescente, j'aurais aimé avoir les joues creuses. Et maintenant, ces rondeurs que je détestais, que ce profil incarnait, parfois je les regrette. Il ne faut pas se raconter de salades: une actrice a plus peur de vieillir que les autres. Elle est un miroir du temps qui passe.»

Voilà: elle en a dit beaucoup, celle qui interprète ces jours-ci une allègre Marie Curie dans le film de Claude Pinoteau; et, pour un peu, elle le regretterait: «Vous allez le dire, ça?» Car elle regrette souvent d'en avoir trop dit. Un jour, elle a expliqué: «Il me semble qu'on ne peut exister que dans le secret, que mon fonctionnement de comédienne repose beaucoup là-dessus.» Sa soeur Caroline: «Isabelle a été actrice très tôt. Elle a été plongée dans le résultat dès l'enfance. Pour elle, c'était un jeu, mais on la jugeait: il a fallu qu'elle se protège.» Si bien que, quand les Cahiers du cinéma lui consacrent par exemple un numéro entier, en mars 1994, il n'est question que des autres; elle en profite pour interroger Nathalie Sarraute, Jean Baudrillard, Pierre Soulages.

Jamais elle ne parle des hommes, de sa vie privée, de ses rêves: «Ça me répugne.» De ses deux enfants, elle dit uniquement, étymologiquement: «Lolita, c'est pour Nabokov, et Lorenzo, pour Lorenzo da Ponte, le librettiste de Mozart... et aussi pour Laurent le Magnifique.» Si vorace et libérée soit-elle, elle sort toujours armée, comme dans ses films, où ses personnages placent les hommes hypocrites face à des responsabilités qu'ils préfèrent oublier: «On est dans un monde d'hommes où il faut affirmer sans cesse sa singularité et sa puissance, et j'ai l'impression que, lorsqu'on parle d'une femme, même positivement, c'est toujours pour la manipuler: je suis donc méfiante.»

Chez les Huppert, le secret est une règle d'action. Les quatre soeurs et le frère (une actrice, deux réalisatrices dont l'une écrivain, un professeur d'économie et le frère écrivain) ont choisi de ne jamais parler les uns des autres. «Si ce n'était qu'une volonté de préserver le mystère... mais ce n'est pas que ça!» Passe un éclat de sourire espiègle, puis: «Dès que je parle, je vois un oeil qui me regarde et qui serait mécontent que j'en dise plus. Cet oeil est même là quand je suis seule avec moi-même: j'ai peur que cet autre moi-même n'ébruite des choses.»

Un oeil, mais quel oeil? Nouveau sourire, toujours bref, toujours espiègle. «J'en ai une petite idée...» Le père a dirigé une entreprise qui fabriquait des coffres-forts, une affaire de famille. On ne voudrait pas filer la métaphore, mais... «Vous pouvez y aller! Je crois que c'est pour ça que je ne suis plus entrée dans les secrets de famille.» Ce père est également un voyageur passionné, qui chemine avec ses cinq enfants sur des itinéraires plus personnels que touristiques. Ils ont une éducation «à la fois nonchalante et organisée».

La mère joue du piano, enseigne l'anglais, ne cesse d'aller au théâtre ou dans les expositions. Ses enfants suivent. Il y a un jardin. La vie est bourgeoise, autarcique, culturelle. Caroline peint: elle a une pièce pour ça; Rémi est un excellent pianiste; les aînées font de brillantes études. Isabelle, la benjamine, ne se sent guère prise au sérieux: «Ils me voyaient comme une enfant assez facile; ils s'attendrissaient. C'est mignon l'attendrissement, mais ce n'est pas très constructif.»

Elle lit Pearl Buck, Cronin et Gilbert Cesbron. Elle n'est douée ni pour la danse, ni pour le patinage («trop raide»), «ni pour un accomplissement physique, ni pour un accomplissement cérébral». Elle devient donc actrice, soutenue par sa mère, très tôt, comme dans un jeu. Figurations télé, petits rôles, moyens rôles, Conservatoire, et, un jour, ce personnage de Gilberte Swann dans un film de Claude Santelli: une jeune fille dérangée est née.

La suite n'est que rage de vivre «le mieux possible» en bâtissant une image très contrôlée entre grands rêves et secrets d'Etat; d'où le retour au théâtre, voilà sept ans, et l'apothéose selon Bob Wilson dans le rôle d'Orlando. La loi du désir d'Huppert est souvent la plus forte. Pour être filmée par Hal Hartley, elle écrit au jeune réalisateur américain, qu'elle ne connaît pas: «Trust me!» Il la prend dans son film suivant; mais c'est sa dernière histoire, avec le metteur en scène Deborah Warner, qui la dépeint le mieux. Il y a quelques années, elle lit une interview où celle-ci parle du désir féminin.

Touchée, elle écrit à Deborah Warner, la rencontre, la persuade de monter un projet en sa compagnie. Son passage sur la scène londonienne, l'an dernier, dans le rôle de Marie Stuart, est aussi une manière de faire ses preuves anglophiles auprès du metteur en scène insulaire; une manière éprouvante: la presse anglaise commence par tirer à vue sur l'accent de la jolie grenouille. «Ce fut la seconde décapitation de Marie Stuart», s'amuse-t-elle. Ce printemps-ci, enfin, une pièce est préparée avec Deborah Warner: Maison de Poupée, d'Ibsen; et là, patatras! Isabelle tombe enceinte: un autre désir a fait interférence. L'actrice quitte la troupe, remplacée au débotté par Dominique Blanc: «J'ai fait un choix. Le moment de douleur est passé.» Le désir reviendra. Au repos, elle lit les lettres d'amour de Simone de Beauvoir à son amant américain.


Femmes et société

 

Portrait : N° 45 du 8 novembre 1998

 

Isabelle Huppert - Ecran total

 

Véronique Krahenbuhl

 

Elle a défendu les couleurs de la Suisse, de la France ou des Etats-Unis. Elle a tourné avec Goretta, Godard ou Cimino. Isabelle Huppert est une aventurière, mais qui avance masquée.

Elle n'est pas grande, Isabelle Huppert, et pourtant on ne voit qu'elle. La peau diaphane se méfie des attaques du soleil, les yeux vifs cachent tout ce qu'ils pourriraient dévoiler derrière des lunettes noires. Seules les lèvres sont légèrement maquillées. Elle semble faite pour les nuances automnales. Reflet d'une femme discrète qui place sa vie sous la mention secret défense. Quand elle parle, c'est pour expliquer son travail ou celui des autres. Lorsqu'elle sourit, c'est pour ponctuer la fin d'une phrase. Rien de plus, rien de moins. Il arrive aussi que son regard s'absente, le temps de trouver le mot juste. Certains la disent sèche, voire hautaine. Qu'importe, au fond, puisque chez elle tout est une question de protection. Une histoire de famille sans doute: son père dirigeait une entreprise qui fabriquait des coffres-forts.

On sait qu'elle a longtemps détesté son profil gauche, que sa psychanalyse a duré six ans et qu'elle a trois enfants à 45 ans. On devine un milieu aisé, une éducation bourgeoise et éclairée du côté d'une maison avec jardin de Ville-d'Avray. La mère joue du piano, enseigne l'anglais, va au théâtre et dans les expositions, les cinq enfants (quatre filles et un garçon, tous brillants) lui emboîtent le pas. Sa sœur Caroline (réalisatrice) pense qu'Isabelle a toujours aimé le jeu, comme si tout n'était qu'une affaire de gènes. C'est donc presque naturellement que les choses sont venues. D'abord de la figuration télé, le Conservatoire, des petits rôles, de César et Rosalie en 1972 aux Valseuses en 1973 en passant par Le Juge et l'Assassin jusqu'à cette année 1976 où elle devient Pomme dans La Dentellière de Goretta. Elle a déjà quatorze films à son actif, Cannes découvre la moue butée d'une actrice qui peut exprimer le moindre sentiment simplement par un silence.

Il y a Miou-Miou, Nathalie Baye, Adjani, il faudra désormais compter avec Mlle Huppert. Alors que les femmes se libèrent, Isabelle prend son envol dans Loulou (Pialat), Sauve qui peut la vie (Godard), Eaux profondes (Deville). Ses voyages intérieurs l'emmèneront à l'étranger: en Allemagne, en Italie, en Russie, aux Etats-Unis où Cimino avec La Porte du Paradis lui permet d'entamer une carrière américaine. Ses coups de foudre lui vaudront de belles rencontres avec Diane Kurys, Christine Pascal, Bertrand Blier, Jacques Doillon. Sa curiosité semble lui donner le courage de tous ses désirs. Même celui de se risquer au théâtre pour y interpréter Orlando ou Marie Stuart en découvrant le plaisir que peut procurer la peur.

Elle était timide, ni sexy ni vraiment drôle, juste une fille banale que l'on pouvait croiser dans la boulangerie à côté de chez soi. On réalisa, en fait, qu'elle faisait ses armes avec les plus grands pour se construire une carrière exemplaire en affirmant sa singularité. Et cette mystérieuse puissance qui la garde de toute manipulation. L'exemple finalement d'une réussite qui s'est faite sans scandale.

Comme Deneuve-Téchiné, Béart-Sautet, le couple Huppert-Chabrol se forme. Dix ans après son Prix d'interprétation cannois pour Violette Nozière, Une Affaire de Femmes (1988) la lance dans sa plus belle décennie. Il y aura Madame Bovary, la postière de La Cérémonie, l'arnaqueuse de Rien ne va plus. A propos de sa plus belle histoire de cinéma, elle dit: "Un acteur avance en état de cécité avec son metteur en scène... C'est le metteur en scène qui voit, et l'acteur qui avance sans voir, mais en croyant. Et quand je parle de ce sentiment de liberté et de confiance extraordinaire que Claude m'a donné, je pense que je le lui rends aussi. Dans la confiance, on se donne mutuellement des ailes. Cette réciprocité est très importante. On est élu par quelqu'un, mais on le choisit aussi." ("Les Cahiers du Cinéma", octobre 1997, numéro hors série.)

Bref, tout va bien pour Isabelle Huppert qui a su démontrer à quel point elle était aussi à l'aise dans la comédie que dans le drame et qui trouve aujourd'hui l'un de ses plus beaux rôles dans L'Ecole de la Chair de Benoît Jacquot, réalisateur qui l'avait déjà dirigée dans Les Ailes de la Colombe (1980). Jugeant à l'époque qu'il n'avait pas su la filmer, il lui a confié le personnage de Dominique, séduisante célibataire qui tombe sous le charme d'un homme (Vincent Martinez) plus jeune qu'elle. Huppert est absolument magnifique, Dominique aussi. Une nouvelle fois l'actrice se confond avec son rôle tout en restant elle-même.

Avec le temps, ses joues se sont creusées, son charme ne cesse plus de s'amplifier et son image reste sous contrôle. Celle qui, hier, passait pour le symbole de l'antistar brille désormais plus que toute autre étoile en incarnant le talent, l'intelligence et l'exigence du cinéma français. Cinquante-trois films; des fragiles et des fortes, des mondaines et des criminelles, des folles et des sages: n'importe quelle femme semble à sa portée. Madame Bovary a tout lu, Isabelle Huppert peut tout jouer.

 

 

"Etre actrice a été d'abord un combat contre moi-même. C'était une lutte pour être belle, pour plaire. Tous les rôles que j'ai interprétés correspondaient à une nécessité intime."

 

 


Isabelle Huppert : " Je crois que cannes m'aime bien " (L'Humanité) 12/5/00

 

Portrait. Isabelle Huppert. La comédienne a présidé le colloque d'ouverture du festival. Elle participe à deux des films sélectionnés, Saint-Cyr, de Patricia Mazuy et les destinées sentimentales, d'Olivier Assayas.

L'intégrisme à la française, la culpabilité protestante ou l'impact du numérique sur son métier : telles sont quelques-unes des facettes qu'offre cette année l'actrice aux festivaliers.

Elle " est " la Dame aux camélias, avec Bolognini ; Madame Bovary, avec Chabrol et aujourd'hui Madame de Maintenon dans Saint-Cyr, de Patricia Mazuy mais elle " est " aussi la mystérieuse Dentellière, de Goretta, la criminelle Violette Nozière ou la condamnée à mort pour cause d'avortement d'une sombre Affaire de femmes, avec Chabrol encore.

Découverte par Claude Santelli puis Nina Companeez, elle a joué avec les plus grands, Sautet, Blier, Preminger, Tavernier, Téchiné, Pialat, Cimino, Godard, Meszaros, Losey, Ferreri, Wajda, Doillon ou les Taviani, mais aussi des auteurs plus " pointus ", comme le Russe Igor Minaev, Christian Vincent, Benoît Jacquot, Fabienne Ferreira Barbosa ou Olivier Assayas.

Elle est " la plus connue sinon la plus populaire ", comme elle aime à le dire, des actrices de sa génération. · la fois enfantine et femme mûre, elle se lance dans les défis théâtraux les plus incroyables et sert le plus souvent possible, à sa manière, la littérature qu'elle aime. J'ai nommé Isabelle Huppert.

La rencontre a eu lieu dans le bar d'un grand hôtel parisien, hanté, comme dans la Vie moderne - son dernier film sorti en salles -, par l'esprit d'un certain Robert Kramer. Nous parlons d'emblée de Madame de Maintenon, un rôle qui lui tient particulièrement à cour : " C'est le portrait d'une folle fanatique et Saint-Cyr montre bien comment tous les intégrismes peuvent advenir au nom, du moins au départ, d'un idéal. Trop souvent l'idée de grandeur, débouche sur le sacrifice et la violence. Ce qui m'intéressait dans ce personnage était son revirement extrêmement brutal, qui fait qu'elle ne cherche pas un instant à résister à sa propre folie. Elle se laisse rattraper par toutes les contraintes de l'époque, la terreur religieuse, tout ce qui constitue et fonde à un moment donné, le XVIIe siècle français. Elle ne possède pas les moyens intellectuels, affectifs pour y résister et elle a un goût du pouvoir qui la limite terriblement. Elle met ainsi en place un dispositif, pas uniquement pour des raisons religieuses mais aussi pour des raisons personnelles, qui finit par lui faire peur. Les petites filles qu'elle veut éduquer expriment un désir de vie tout simplement, un désir qu'elle ne s'est jamais autorisé à elle-même. Car sa manière d'avoir vécu sa liberté ou sa sexualité est essentiellement déterminée par son désir d'accès au pouvoir. Dès lors qu'elle sent que les petites filles sont traversées par du désir et deviennent des objets de désir pour les hommes, elle réalise qu'elle les a " faites " à son image. C'est comme un miroir. Elle se demande alors ce qu'elles vont faire de leur liberté. C'est l'histoire du maître dépassé par ses élèves. Elle met le doigt sur un noud de contradictions qui sous-tendent le rapport entre les hommes et les femmes, tellement inextricables pour elle, qu'elle sombre dans la folie. J'espère que les femmes d'aujourd'hui ont dépassé cela mais il y a quelque chose de contemporain dans le fait que les intégrismes fonctionnent toujours, que les femmes en font le plus souvent les frais. Que ce soit en Afghanistan ou ailleurs, les femmes sont au cour du problème. "

Dans le film d'Olivier Assayas, les Destinées sentimentales, adapté du roman du même nom, de Jacques Chardonne et tourné du côté de Jarnac, Isabelle tombe sous le joug d'une autre religion : " Je tiens le rôle de la première épouse " présente-absente ", dit-elle, du héros, un pasteur interprété par Charles Berling. C'est un personnage très douloureux, qui, lorsqu'il choisit le plaisir, l'amour d'une jeune fille, la vie, est hanté et culpabilisé à jamais d'avoir quitté sa femme, Nathalie. Parler de lui devient parler d'elle. Nathalie est murée dans sa souffrance, très agressive. C'est très protestant. "

Cannes a toujours fait la part belle au travail d'Isabelle Huppert. Elle y est venue pour la première fois, il y a vingt-cinq ans avec Aloïse de Liliane de Kermadec. · partir de la présentation de la Dentellière (en 1977), elle s'y rend chaque année, avec Violette Nozière pour lequel elle a reçu le prix d'interprétation (1978), les Sours Brontë (1979). En 1980, elle y présentait trois films montrant l'éventail de son talent : Sauve qui peut (la vie), de Godard ; Loulou, de Pialat et les Héritières, de Marta Meszaros ; puis les Portes du Paradis, de Cimino en 1981. En 1982, elle revient avec Godard et Passion. En 1983, c'est pour l'Histoire de Piera, de Ferreri. Depuis, Cannes l'a accueilli pour Malina, de Schroeter (1991), les Affinités électives, des Taviani (1996) et l'Ecole de la chair, de Benoît Jacquot (1998).

" Je crois que Cannes m'aime bien, dit-elle, bien qu'on n'y choisisse pas des actrices mais des films, enfin je l'espère. Cannes reste un haut lieu de la cinéphilie et en même temps le plus grand festival du monde, j'ai toujours un petit plaisir à y être. C'est une reconnaissance pour un film d'y être exposé d'une manière particulière. Cette année, je préside un colloque. J'ai accepté la proposition de Gilles Jacob, parce que cela me paraissait un enjeu, une initiative qui pourrait être intéressante de réunir des metteurs en scène, des créateurs, venant de toutes cultures, de tous horizons, d'économies différentes. Je vais donner le coup d'envoi et après j'écouterai... des points de vues aussi différents que ceux d'Abbas Kiarostami, Brian de Palma ou Atom Egoyan sur le " cinéma à venir " et plus précisément sur les nouvelles technologies, la mondialisation. Cela n'a pas d'incidence sur ma vie d'actrice mais risque d'en avoir une très vite. Pierre Chevalier dirige une série sur Arte dans laquelle Claude Miller a déjà fait un film avec une petite caméra numérique. L'acteur va forcément se trouver dans une situation nouvelle qui peut changer son statut. Je ne m'intéresse pas particulièrement à la technique car je dirais qu'elle est tellement présente sur un plateau qu'on finit par l'intégrer et finalement l'oublier. Òtre acteur est un peu comme faire entrer le fil dans le chas d'une aiguille, il faut travailler dans des contraintes très précises. Pour l'instant les nouvelles techniques ne nécessitent pas un travail théorique en amont mais elles induiront une autre mobilité, un autre rapport à l'espace. Et une autre manière de jouer. "

Isabelle Huppert qui vient de terminer Merci pour le chocolat, avec Claude Chabrol et la Comédie de l'innocence, avec Raul Ruiz, évoque son prochain film avec Michael Haneke, la Pianiste, le Médée mis en scène par Jacques Lassalle, qu'elle va jouer avec Emmanuelle Riva dans la Cour d'honneur au prochain Festival d'Avignon. " Une grande première pour laquelle je n'ai pas encore eu le temps d'avoir peur. " Ou plus simplement une lecture de textes de Nathalie Sarraute, dont elle admire " l'art de dire la sensualité des mots ".

Michèle Levieux


 

SUITE : http://www.multimania.com/huppert/docu2b.html