Illimité Février 2006

 

L' IVRESSE DU POUVOIR

 

Corruption mode d'emploi Claude Chabrol décortique les mécanismes du pouvoir, sur fond de corruption et de scandales financiers. Avec Isabelle Huppert dans la robe d'un magistrat. " toute ressemblance avec des personnages connus serait, comme on dit, fortuite. . ." C'est avec cette phrase laconique, mais surtout ironique, que s'ouvre le dernier Chabrol, L 'Ivresse du pouvoir, emmené par une belle brochette d'acteurs. Pour cause, Isabelle Huppert, François Berléand, Patrick Bruel, Robin Renucci, Jean-François Balmer, tous se sont pressés au portillon de cette réflexion toute chabrolienne autour du pouvoir, directement inspirée de I'affaire Elf. Car même si les noms des protagonistes du plus grand scandale politico-financier de ces dernières années ont été changés, c'est bien de cette affaire ayant éclaboussé la République tout entière dont il s'agit ici. " Si le film n'avait aucun rapport avec la réalité, il n'aurait guère d'intérêt", précise du reste Chabrol, dont la démarche va bien au-delà du simple récit factuel. " Je n'ai pas cherché à dénoncer des événements connus de tous, explique-t-il. Mais plutôt à montrer quelles peuvent être les répercussions sur I'esprit humain d'un pouvoir, quel qu'il soit, et jusqu'où if peut entraîner les individus." D'où un jeu permanent, à I'écran, d'allers-retours entre la vie privée de ses personnages et leur rôle public, forcément sous influences. Avec pour figure centrale, Isabelle Huppert (dont c'est la septième collaboration avec Chabrol), sous les traits d'une juge d'instruction chargée de démêler une affaire de détournements de fonds mettant en cause le président d'un groupe industriel. Face à ceux qu'elle interroge, François Berléand et Patrick Bruel en tète, elle use de toutes ses armes, le charme, la dureté, la violence et la déstabilisation, au point de céder elle-même aux sirènes du pouvoir et de se sentir invincible.

 

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L'affaire Elf

Caisses noires, commissions occultes, sociétés écrans, dépenses privées somptuaires... L'instruction de I'affaire Elf - ou plutôt des affaires Elf -, menée par Eva Joly, Laurence Vichnievsky et Renaud Van Ruymbeke, a levé le voile sur des pratiques édifiantes et incestueuses entre pouvoir politique et pouvoir industriel. Tout a commencé en 1994, avec I'enquête sur le renflouement à perte pour Elf, alors dirigé par Loïc Le Floch-Prigent, du groupe textile Biderman. Au fil de I'instruction, des ramifications n'ont cessé de voir le jour, mettant à nu des commissions versées lors de contrats pétroliers, une vente par Thomson de six frégates à Taiwan, le financement secret de la CDU en Allemagne, des emplois fictifs... A I'arrivée, seront condamnés Le Floch-Prigenl, Alfred Sirven, le grand argentier aujourd'hui décédé, et Christine Deviers-Joncour, qui avait été embauchée "en qualité" de maîtresse de Roland Dumas, alors ministre des Affaires étrangères. Clos en 2002, le dossier a été réouvert en 2004 pour une enquête sur les emplois fictifs présumés entre 1989 et 1993, avec, comme dernier rebondissement, le renvoi en correctionnelle d'une vingtaine de personnes pour abus de biens sociaux, abus de confiance et recel.