Le Parisien
ESSONNE, mardi, 10 janvier 2006, p. 7
Isabelle Huppert, muse de grands photographes
Renaud Saint-Cricq
AVEC la presse, elle contrôle minutieusement son image. Mais devant les objectifs des plus grands noms de la photographie, Isabelle Huppert s'abandonne plus facilement. Elle arrive décoiffée, pose en pantalon comme en robe du soir, dévoile un sein ou une constellation de tâches de rousseur. Autant de facettes que la comédienne exigeante offre aux regards à partir d'aujourd'hui au couvent des Cordeliers. « La Femme aux portraits », c'est le nom de l'exposition, arrive du musée d'Art moderne de New York où elle a été présentée en novembre et s'accompagne d'un très beau livre publié au Seuil*. Elle révèle 120 portraits d'Isabelle Huppert pris par des stars de la photo sur une période d'environ trente ans. Trois d'entre eux nous racontent leur rencontre avec elle.
Willy Ronis
A 96 ans, le photographe expose actuellement à l'Hôtel de Ville : « C'était en 1994. C'est elle qui m'a appelé pour que je fasse son portrait. Ce mois-là, elle était rédactrice en chef invitée des Cahiers du cinéma . J'ai une très grande admiration et un très grand respect pour l'honnêteté de son travail. Un matin ensoleillé, j'ai fait une série de portraits dans son appartement et ensuite, quelques photos aux abords et à l'intérieur du Luxembourg, près de chez elle. J'étais légèrement intimidé, bien sûr, car c'est un peu un monstre sacré. Dès le premier contact, tout cela a disparu. Ça s'est passé dans la plus grande simplicité. On s'est parlé comme si on se connaissait depuis toujours. »
Lise Sarfati
Lauréate du prix Niépce, a été exposée notamment à Paris, à Londres ou à New York : « C'est elle qui s'est manifestée. Dans sa démarche, il ne s'agissait pas forcément de faire des photos d'elle. Elle voulait plutôt que chaque photographe s'approprie Isabelle Huppert dans son univers et son monde. C'était un travail tout à fait libre et intéressant. J'ai voulu la photographier dans la maison de son père car je souhaitais relier son portrait à sa vie intime, pas à sa vie d'actrice. J'ai posé beaucoup de questions sur sa famille, sur l'endroit où elle passait son enfance. On est allé dans la maison de son père, qui était décédé. C'était fort d'avoir pu faire ces photos dans ce lieu-là. »
Carole Bellaïche
Membre de l'agence H&K, elle est très appréciée des stars du cinéma : « Je l'ai rencontrée par les Cahiers du cinéma, il y une dizaine d'années. Depuis, j'ai dû faire une quinzaine de séances avec elle, très travaillées ou très naturelles. Une des deux photos de l'exposition a été prise à Rio, au Brésil. On se baladait et quand la lumière était belle, on s'arrêtait faire une photo. L'autre aussi est improvisée. C'était dans un bar, après une séance pour le magazine Elle . Elle avait l'air d'un ange. C'est ce que j'aime saisir chez elle, ce côté femme fatale, femme-enfant. Il n'y a pas besoin d'artifice avec elle. C'est assez rare. En plus, elle a vraiment cette curiosité, cette envie de découvrir les images des photographes. J'ai une grande tendresse pour elle. »
Isabelle Huppert, « la Femme aux portraits » Du 10 au 21 janvier et du 4 au 25 février, au couvent des Cordeliers, 15, rue de l'Ecole-de-Médecine, VI e . Ouvert tous les jours (sauf lundi) de 10 heures à 18 heures. Tarif : 5 ¤ et 2,5 ¤. * Le livre : « Isabelle Huppert, la femme aux portraits », Ed. du Seuil, 168 pages, 35 ¤.