Le Figaro, le 18 novembre 1998
'Sade', 'Pas de scandale', 'La Tosca', un Marivaux revisité, un film en anglais, avec dans le désordre Fabrice Luchini, Virginie Ledoyen, Catherine Deneuve, Sandrine Kiberlain, Drew Barrymore, Daniel Auteuil et Isabelle Huppert, ntend avoir tout filmé avant le gong de l'an 2000. En attendant, ce grand fan des femmes se voit offrir une carte blanche (voir nos pages cinéma) tout en nous proposant cette semaine ' L'école de la chair ' - librement adapté du roman de Mishima - avec l'incomparable Isabelle Huppert.
'Les femmes' vous intéressent depuis longtemps, est-ce à dire que vous les connaissez de mieux en mieux ou de moins en moins?
Vaste question, c'est comme l'horizon, plus l'on s'en approche, plus il s'éloigne. En tout cas, moi, je me connais mieux.
Etes-vous à leur ' Ecole'?
Oui, complètement. J'apprends des femmes à bouger, à regarder, à exister.
Vous ne regrettez tout de même pas d'être un homme?
Pas du tout, au contraire, Je me félicite d'être né homme ne serait-ce que pour avoir à faire aux femmes comme je le fais.
En même temps vous les montrez désenchantées, seules, est-ce à dire qu'elles n'ont que peu de chances d'être heureuses?
Non. Quand elles sont malheureuses, elles le sont comme aucun homme ne peut l'être. Elles m'apprennent autant sur le bonheur que sur le malheur en allant plus loin que les hommes.
Pour Carole Bouquet ' une actrice est interchangeable'. Vous approuvez?
En aucun cas. Seule une femme peut dire cela d'autres femmes. Je ne conçois aucun film sans savoir d'abord qui le jouera et tout changement brutal devient un terrible problème.
'L'école de la chair' parle, entre autres, de virilité, mais pour vous, ce terme ne rime-t-il pas avec fragilité?
Absolument. La virilité est terriblement illusoire. A l'inverse de la féminité, la virilité doit être prouvée et de ce fait se trouve à la merci de tous les démentis, de toutes les pannes sexuelles. Les femmes sont souvent là pour mettre en jeu cette virilité, pour la questionner.
L'héroïne de 'L'école...' est-elle, dix ans après, celle de votre dernier film 'Septième Ciel'?
Elles ont effectivement quelque chose à voir. Je suis convaincu que les femmes de mes derniers films, de l'adolescence jusqu'à la quarantaine avec Isabelle Huppert et, au-delà, avec Deneuve (film à venir), peuvent se concevoir comme une famille unique, chacune devant franchir un seuil, ouvrir une porte de son existence.
En se 'payant' les charmes d'un homme, votre héroïne attaque un sacré pan de la masculinité? Effectivement. Pour s'assurer, me semble-t-il, leur suprématie, les hommes se réservaient certaines choses, comme l'accès à la prostitution comme client. Aujourd'hui, il leur est de plus en plus difficile d'empêcher aux femmes d'agir de même. Ce qu'ils apprécient d'autant moins qu'elles agissent avec plus de franchise, de liberté, de poésie et de force qu'eux. Ils se retrouvent de ce fait en retrait. Un phénomène très intéressant à observer.
Qu'est-ce qui vous intéresse dans les rapports amoureux ?
L'exacerbation des rapports hommes-femmes, la recherche du point d'intimité où les choses deviennent difficiles à dire, là où l'on s'entend entre les mots, un regard, un geste, tout ce qui est secret.
Isabelle Huppert pleure beaucoup dans votre film. Pourquoi?
Il y a une espèce de langue des larmes derrière celle des mots. C'est un peu un lexique de la larme.