LA FEMME DE MON POTE

Dix ans après "Les valseuses", Bertrand Blier invente un nouveau trio: Coluche, Isabelle Huppert, Thierry Lhermitte. Ou l'histoire - drôle - de deux amis amoureux de la même femme, tournée à Courchevel et aux studios de Boulogne. (Photos B. Barbier)

1973 Dans "Les valseuses", une jeune fille pleine de taches de rousseur se fait joliment déflorer par deux grands gaillards pleins de santé et d'amour , sous le regard bienveillant de leur égérie. Mais le trio est en cavale et la jeune fille reste seule sur le bord de la route, ni triste ni gaie : elle est plus seule que jamais, mais pour elle, 1'aventure commence...

Dix ans plus tard, la jeune fille des "Valseuses" n 'a pas beaucoup changé. Elle ne fait plus d'auto-stop, elle roule dans une grosse américaine toute rose, mais elle ne s'est toujours pas "fixée", comme on dit. Une nuit, de passage à Courchevel, elle se retrouve dans le lit d'un beau mec qui tient un magasin de sport dans la station, Pascal... Lui, il tombe amoureux tous les quinze jours, et à chaque fois, ça se termine dans les larmes. Alors quand son pote Micky apprend qu'une nouvelle femme est entrée dans la vie de son copain, il se méfie. Pas assez : la voyageuse a tout ce qu'il faut pour ébranler la plus solide des amitiés...

 

Ca s'appefle "La femme de mon pote". La femme en question, c'est Isabelle Huppert. Le pote, c'est Thierry Lhermitte. Et celui qui parle, Micky, c'est Coluche. C'est le nouveau trio imaginé par Bertrand Blier. Après "Les valseuses", "Calmos", "Préparez vos mouchoirs", "Buffet froid" et "Beau-père", 1'opus n° 6 d'une grande série qu'on pourrait intituler : "Variations sur I'incompréhension entre les sexes dans la société contemporaine".

Dix ans ont passé depuis "Les valseuses", et à la révolté a succédé le désarroi. « Je suis comme tout le monde: je patauge », dit, à un moment, le marchand de fringues. En dix ans et cinq films, Bertrand Blier est devenu un cas rare dans le cinéma français. Le seul qui fasse réellement oeuvre d'auteur sans cesser de faire des comédies, des comédies dont le ton n'appartient qu'à lui, des comédies un peu tristes parce que la vie n'est pas toujours rose mais qu'il faut bien rire un peu. Mais pas que... Le rire sans l'émotion, c'est la rigolade. Et la rigolade, Blier, c'est pas son créneau. Mais s'il a maintenant acquis un statut enviable au sein du cinéma français, ce n'est pas seulement parce qu'il a un univers très personnel et qu'il écrit, à chaque fois, les dialogues les plus riches, et les plus drôles, de notre cinéma.

C'est aussi qu'avec le temps, il a fini par imposer son style, sa mise en scène. Un style qui s'accommode mal de la rapidité et des approximations des toumages en extérieurs. Depuis qu'il a goûté au plaisir de tourner en studio, Bertrand Blier ne peut plus s'en passer. Comme "Buffet froid" et "Beau-père", une grande partie de "La femme de mon pote" a été tournée en studio. De nombreuses scènes ont lieu dans le chalet de Pascal-Lhermitte, qui est censé être isolé en plein milieu des pistes de ski de Courchevel.

Alors, on a construit un chalet sur 1es pistes de ski de Courchevel, où se sont tournées toutes les scènes de I'extérieur du chalet. Et un autre chalet, le même exactement, au studio de Boulogne-Billancourt où se tourneront toutes les scènes d'intérieur. Avec un seul vrai chalet en dur, les pièces auraient été trop petites et Blier n'aime pas que les murs viennent limiter sa capacité de mouvement. II aimé que la caméra embrasse tout le décor, loin de ses personnages, pour pouvoir s'en rapprocher quand il le faut. II aime que, derrière les fenêtres de ses maisons, on ne soit pas vraiment sur que c'est un "vrai" paysage. II aime prendre son temps, fignoler, peaufiner. Mais, pour la première fois depuis "Les valseuses", il toume avec des acteurs qui ne sont pas de sa bande. Et c'est pour confier à deux d'entre eux. Coluche et Huppert, des rôles tres différents de ceux qu'ils ont tenus jusqu'alors. Avec "La femme de mon pote", Coluche amorce un premier virage. II le dit lui-même, c'est son premier vrai rôle. Le premier où il doit jouer autre chose que Coluche, le premier où il doit non seulement faire rire mais aussi émouvoir. On dit déjà qu'il y parvient au-delà de toute espérance et Huppert, éblouie, parle même d'un nouveau Raimu. Pour Isabelle Huppert aussi, c'est un sacré changement, Sa première vraie comédie. Pas de problème : elle aime se fondre dans I'univers du metteur en scène qui I'a voulue et choisie et avec Blier, elle est servie.

Thierry Lhermitte, apres son personnage dramatique de "Stella" de Laurent Heynemann (que nous verrons en juillet) et avant son personnalge romantique de "La fiancée qui venait du froid" de Charles Némès, qu'il vient juste de commencer à tourner, n'a pas le rôle le plus facile: celui du beau mec gentil et paumé, d'abord écrit pour Patrick Dewaere, qui était devenu l'interprète privilégié, et l'ami, de Bertrand Blier. Pendant près de trois mois, Bertrand Blier a fait jouer sa petite musique par ces trois nouveaux interprètes. Pour lui aussi, c'est un toumant.

 

M.E.

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