Sur le plateau de "Retour à la bien aimée"

 

A Monsoult, près de Paris, dans une superbe demeure au charme inquiétant, Jean-François Adam met en scène son nouveau film : une histoire d'amour, de passion même, très "hitchcokienne". Avec une alléchante distribution. Jacques Dutronc y est un pianiste prêt à tout pour reconquérir sa "bien aimée", qui fut longtemps son épouse, Isabelle Huppert, aujourd'hui remariée à un médecin austère mais confortable, jouée par Bruno Ganz, l'interprète de "L'ami américain". Un trio bien moins classique qu'il n'y paraît d'abord pour un metteur en scène particulièrement perectionniste et attentif aux acteurs. Rare....

C'est la première fois que Jacques Dutronc et Isabelle Huppert tournent ensemble. L'artisan principal de cette heureuse rencontre : Jean-François Adam, l'auteur, et le metteur en scène, de ce drame de la passion amoureuse " Retour à la bien aimée » déjeune sous la tente-cantine dressée, pour l'occasion, à l'entrée du grand parc qui entoure la magnifique maison que Jean-François Adam a choisie pour être le théâtre principal de son film. Ce jour-là, dans la tente, à la fin du repas, on y voit à peine . une bonne dizaine de techniciens a accepté I'énorme cigare que leur offrait Jacques Dutronc. Mais le voilà qui ouvre, I'air gourmand, une mystérieuse petite valise noire qu'il gardait précieusement à ses côtés depuis le début du repas. Chacun y découvre, ébahi et hilare, quatre verres, un plateau en argent et trois bouteilles de vieil alcool, dont un Armagnac particulièrement fameux...

Jacques Dutronc sur un tournage, c'est en effet tout le contraire de la star capricieuse qui n'adresse la parole qu'à ceux auxquels son travail l'oblige : metteur en scène, comédiens, directeur de la photographie. Pourtant, aujourd'hui, le plan de tournage n'est pas des plus exaltants : il va falloir, en grande partie, refaire une scène déjà tournée I'avant-veille dont Adam et Pierre Lhomme, le chef-opérateur, ne sont guère contents. Mais c'est cela aussi le " boulot " de comédien et comme aujourd'hui, Dutronc est en forme, d'excellente humeur même, il prend cette péripétie avec le sourire. Entre deux prises, avec quelques techniciens, il imite des cochons à I'agonie avec une étonnante vérité, mais dès qu'il faut tourner, il lui suffit de quelques secondes de concentration pour être prêt. Il le faut, car c'est finalement lui qui porte I'essentiel du film sur ses épaules. Dans « Retour à la bien aimée ", il est en effet Julien, un pianiste professionnel obsédé par une etrange idée fixe : reconquerir Juliette, la femme dont il a divorcé voilà plusieurs années et qui continue de vivre, avec leur fils, dans la grande maison où Julien passa toute son enfance et qu'il leur a laissée. Mais Juliette est mariée avec Kern, un médecin taciturne et attentionné, qui lui a apporté la stabilité, la sécurité qui lui manquaient tant avec Julien. Tout, sauf la passion...

Pour parvenir à ses fins, Julien a tout prévu : il prépare dans le jardin de la maison un crime tellement parfait qu'il devrait faire accuser Kern, le mari, le gêneur. Le film, dès lors, est entierement concentré sur les rapports troubles entre ces trois personnages réunis, pour quelque temps, dans la maison de Julien. Atmosphère... Hitchcock n'est pas bien loin, pourtant. Juliette, c'est Isabelle Huppert dont, une fois de plus, les regards effrayés en disent bien plus long que les rares mots qu'elle prononce. « Oui, je sais, dit-elle, c'est encore un personnage très passif, tres intérieur, qui parle peu... Comme « La dentellière »... Mais j'en avais envie car le scénario est très beau. Pourtant, j'aimerais bien que ce soit, pour un temps, le dernier du genre. » Pour ce film, elle s'est fabriqué une nouvelle tête. Pour la première fois, elle est une femme. une mère. Et elle est absolument superbe. A ses côtés Dutronc et Bruno Ganz, qui interprète son mari, ne sont, eux non plus, pas de grands expansifs. Alors, sur le plateau, l'ambiance est rarement très « délirante ». Ne serait-ce aussi que parce qu'on ne tourne pas une histoire dramatique, un « suspense psychologique » comme on dit, dans la rigolade permanente Et puis, il y a Jean-François Adam : angoissé, méticuleux, perfectionniste, il exige de toute I'équipe une attention permanente. Particulierement sensible et attentif au jeu des comédiens qu'il a choisis pour interprêter cette belle histoire de passion amoureuse, il ne veut rien laisser au hasard.

Comme dit Dutronc qui, contrairement à certaines idées reçues, n'est surtout pas un je m'en-foutiste : « C'est un bon point! »

Marc Esposito

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