Libération, Le 22 août 2001
Par ANTOINE DE BAECQUE
Isabelle Huppert est, aujourd'hui, l'actrice la plus impressionnante. Récemment, ses personnages dans Merci pour le chocolat de Claude Chabrol, Saint-Cyr de Patricia Mazuy, ou son interprétation théâtrale de Médée, ont marqué les esprits. En mai, elle a reçu le prix d'interprétation féminine du Festival de Cannes pour son rôle dans la Pianiste de Michael Haneke, qui sort le 5 septembre.
La jeune femme découverte il y a vingt-cinq ans dans les Valseuses de Bertrand Blier est toujours là. Elle est même de plus en plus présente, prenant, au fil des films et des pièces, une dimension supplémentaire: le Juge et l'assassin (Tavernier), la Dentellière (Goretta), la Porte du paradis (Cimino), Loulou (Pialat), l'Histoire de Piera (Ferreri), l'Ecole de la chair (Jacquot), Orlando (monté par Bob Wilson), et de belles complicités avec Jean-Luc Godard (Sauve qui peut (la vie), Passion) et bien sûr Chabrol (Violette Nozière, Une affaire de femmes, Madame Bovary, la Cérémonie, Rien ne va plus).
Il est toujours difficile de décrire le jeu d'une actrice, le pourquoi et le comment d'une présence. La force d'Isabelle Huppert est de se donner entière, dans tous les rôles, soigneusement choisis, tout en préservant une énigme. Dans son jeu existe une ferveur retenue, inquiète, qui la place à distance. Pourtant, cette sorte de froideur attire irrésistiblement le spectateur. Immobile, muette, presque minérale, Huppert est cette pierre précieuse, magnétique, qui capte les regards. Cette maîtrise semble ne pouvoir être atteinte que par la traversée des zones d'ombre, de soi et d'autrui. Au seuil de ce visage, voici la zone la plus intérieure de l'existence. Isabelle Huppert renvoie à chacun une part très personnelle, et tous peuvent s'y reconnaître.
Isabelle Huppert est aussi une actrice qui se
risque, trapéziste se lançant au-dessus du vide.
Honorée partout dans le monde, elle continue de choisir des
rôles à haut risque qu'elle seule semble capable
d'assumer. Si elle se prête à ce jeu dangereux, c'est
qu'elle prépare, et prépare encore ses tournages, ses
apparitions. Huppert est une actrice intelligente, qui a pu parler,
ou parle toujours, d'égal à égal, avec Nathalie
Sarraute, Claude Régy, Bob Wilson, Jean Baudrillard ou Henri
Cartier-Bresson. En conversant avec elle, Libération voudrait
recueillir quelques éclats de cette singulière
présence.
«D'une certaine façon, Gênes m'a rappelé 68»
Recueilli par NATHALIE BENSAHEL
Ce qui m'a frappée, c'est le mouvement
antimondialisation de Gênes: j'étais en Sicile. Je me
suis dit que c'était une nouvelle façon de faire de la
politique. Un discours qui se développe en dehors des
théories et de tout ce qu'on connaît. D'habitude, on
trouve toujours de bonnes raisons pour expliquer que le monde est
injuste et on en reste là. Et là, pour la
première fois, on nous dit qu'il n'y a pas de raison
d'accepter cela. C'est un vrai mouvement de jeunes, un vrai
contre-pouvoir face à la pensée unique, qui ne
s'embarrasse pas de la culture politique des aînés. La
plupart du temps, le discours politique s'articule autour de
considérations économiques savantes. Là, ce qui
est intéressant c'est la différence de nature du
mouvement. D'une certaine façon, Gênes m'a
rapellé 68, quand Gilles Tautin est mort (lycéen
maoïste, mort lors d'affrontements avec la police en juin 1968,
ndlr). Le mouvement a brutalement basculé dans le drame. C'est
ce qui s'est passé cet été à Gênes.
C'est surtout ce dont je me souviens.»
Isabelle Huppert répond aux internautes de Libé
«Décrypter ce qui peut avoir un sens»
Jojo. Depuis quelques années, vous êtes l'actrice qui représente le style français, et surtout l'actrice «intelligente», rigoureuse, etc. Ça vous fait quoi?
Isabelle Huppert. Ça me fait rire. Je suis comme tout le monde, il y a des choses auxquelles je ne comprends rien, et j'essaie dans cette somme d'informations et de propositions qui me sont faites de décrypter ce qui peut avoir un sens pour moi et dans mon activité.
Nine. Entre un césar et un prix d'interprétation à Cannes, quelle récompense vous honore le plus?
I. H. Le Prix d'interprétation, sans hésiter.
Basile. Salut Isabelle! Quand tourneras-tu un autre film avec Chabrol? Qu'est-ce qu'il y a entre vous pour que vous tourniez si souvent ensemble?
I. H. Oui, je vais probablement en tourner un autre avec lui. Entre un metteur en scène et une actrice, il y a toujours une reconnaissance réciproque, l'un se reconnaît dans l'autre. Il faut croire qu'avec Claude Chabrol on a envie d'y retourner régulièrement. Ce qu'on a envie de dire, souvent, l'un et l'autre, se trouve le mieux dit au contact de l'un et l'autre. Et puis c'est une personne délicieuse.
Leon. Dans «les Valseuses», vous jouiez une ado. Puis, des femmes fatales. Aujourd'hui, plutôt des rôles de mères. Vous avez peur de jouer des rôles de grand-mères?
I. H. Non, mais c'est peut-être un peu tôt, non? Mais on peut être une très jeune grand-mère et une très vieille mère, de plus en plus puisqu'on peut accoucher à plus de 60 ans désormais.
Lurette. Avez-vous eu l'impression de mettre en danger votre image très froide et glamour en acceptant ce rôle dans «la Pianiste»?
I. H. Glamour, je ne m'en étais pas aperçue! Le cinéma n'est jamais un bien grand risque pour moi, comparé à d'autres activités. Et puis il est moins risqué de tourner avec Michael Haneke qu'avec un mauvais metteur en scène.
Marie. Pourquoi si peu de rôles légers ou drôles dans votre carrière ?
I. H. Je viens d'en terminer un, dans «Huit Femmes» de François Ozon, une vraie comédie.
Lili. Avez-vous des tournages en cours?
I. H. Prochainement, je vais commencer un film avec Olivier Dahan, vous en entendrez beaucoup parler prochainement (d'Olivier Dahan), car son film «Le Petit Poucet» sort le 17 octobre et c'est un film magnifique.
Lili. Y a-t-il des rôles qui vous ont particulièrement éprouvée?
I. H. Aucun rôle ne m'éprouve particulièrement. Le cinéma ne me demande aucun effort particulier. C'est juste un plaisir. Tout au plus, parfois, un travail plus ou moins difficile à accomplir.
Nine. Comment votre entourage, et particulièrement vos enfants, vivent-ils certains de vos rôles?
I. H. Mes enfants ne voient pas forcément tous mes films, ils ont bien d'autres choses à faire, sûrement beaucoup plus intéressantes pour eux.
Basile. Pourriez-vous envisager de tourner dans un film érotique, voire porno, s'il est réalisé par un grand metteur en scène?
I. H. Non.
Leon. Vous avez aimé «Amélie Poulain»? Et la polémique qui a suivi?
I. H. Je ne l'ai pas vu.
Basile. Etes-vous attirée par une carrière outre-Atlantique?
I. H. Je pense que le rêve pour une actrice européenne en ce moment est plus à l'est qu'à l'ouest. Les cinématographies asiatiques me font autant rêver que celle d'outre-Atlantique.
Nine. La fidélité est-elle un pilier de votre existence?
I. H. La fidélité à
moi même, sûrement.
A propos des voies réservées aux bus et aux
vélos à Paris
«J'ai envie de croire que ça peut faire reculer la pollution»
Recueilli par ALAIN AUFFRAY
Le problème, c'est que tout le monde a
envie que ça aille mieux mais que personne n'est prêt
à faire quoi que ce soit, à changer ses habitudes. A
Los Angeles, capitale de la pollution, ils ont pris des mesures de
covoiturage et il paraît que ça marche. Mais chacun sait
que les Américains sont plus disciplinés que nous.
C'est leur côté luthérien même s'ils n'ont
toujours pas signé les accords de Kyoto. Espérons que
cette mesure fera bouger les choses à Paris. Evidemment, cette
révolution risque de gêner les automobilistes. Mais elle
devrait faire réfléchir et modifier les comportements.
Car au fond, tout le monde a intérêt à ce que
ça change. Plus il y a de voitures, plus il y a de pollution.
Avant, on était irrité théoriquement,
aujourd'hui on est irrité physiquement. En tant que
parisienne, j'ai envie de croire que cette innovation un peu brutale
fera reculer la pollution. En France, quand on parle de pollution,
tout le monde est d'accord pour dire que c'est un fléau. Mais
personne n'est prêt à agir. Pour une fois que c'est le
cas...»
A propos du conflit au Proche-Orient
«On a frôlé la paix, on va au désastre»
Recueilli par VÉRONIQUE SOULÉ
Chagall aurait sans doute été d'accord...
Lu dans un journal "Lettre à un ami israélien".
Pas encore lu "Lettre à un ami irakien".
Pas encore lu "Lettre à un ami libanais".
Pas encore lu "Lettre à un ami syrien", pour rester dans cette région. On a frôlé la paix. On va vers un désastre»
«Il faut bannir la peine de mort»
Recueilli par VÉRONIQUE SOULÉ
Les régressions, la rémanence de
passions moyenâgeuses aujourd'hui dans un monde qui essaie de
progresser et de trouver des règles de droit sont
révoltantes. En Afghanistan, on a reculé de mille ans
et ce sont bien sûr les femmes qui en font les frais. Où
qu'elle existe, et pas seulement aux Etats-Unis, il faut bannir la
peine de mort.»
A propos de l'immigration
«L'immigration n'est pas un fléau»
Recueilli par VÉRONIQUE SOULÉ
On ne peut pas s'étonner que les pays
riches attirent les pays pauvres. Ce que l'on constate, c'est que
quelles que soient les régulations mises en place, ça
ne change pas grand-chose. Mais les pays riches en tirent aussi des
avantages. Les mélanges de populations débouchent sur
des apports culturels et créatifs dont ils
bénéficient. L'immigration, ce n'est pas un
fléau, même s'il est normal que les pays riches
veuillent introduire des régulations les plus humaines
possibles.» A propos de la Corse
«Il n'y a pas une France, mais plusieurs»
Recueilli par CHRISTOPHE FORCARI
Isabelle Huppert: «Nous restons un pays trop
centralisé, qui ne favorise pas ces particularismes
régionaux, comparé à l'Italie, Etat certes plus
récent, mais beaucoup plus décentralisé.» l
n'exist e pas une France, mais plusieurs. La question est de savoir
comment favoriser leur épanouissement. Nous restons un pays
trop centralisé, qui ne favorise pas ces particularismes
régionaux, comparé à l'Italie, Etat certes plus
récent, mais beaucoup plus décentralisé. Chaque
pays européen devrait réaliser ce que l'Europe
accomplit à son niveau et permettre à toutes les
diversités de s'exprimer au sein d'un ensemble. Mais il ne
faut pas que cela dégénère dans des
séparatismes multiples et la violence. Si cela provoque un
phénomène inflationniste où chacun défend
ses revendications régionalistes, c'est tout aussi dangereux.
L'union de toutes les particularités au sein d'un pays fait
justement sa richesse. L'assassinat de François Santoni fait
reculer tout le monde et renvoie chacun dos à dos avec ses
convictions. Mais le sang a aussi coulé au Pays basque et
même en Bretagne, lors de l'attentat contre le McDonald's de
Quévert.»
A propos de l'assassinat de Karine
«L'autre normalité de Péroline et Stéphane»
Recueilli par JEAN-MICHEL THÉNARD
Isabelle Huppert: «Ce qui est frappant dans les propos de Péroline et de Stéphane, c'est que ni elle ni lui ne semblent se rendre compte de la sauvagerie de ce qui s'est passé. »l 'histoire de Péroline, on la suit comme un feuilleton, ce n'est pas que sa vie en soit un, mais ce sont les médias qui le créent. Tout le monde est en attente de ce qu'elle va dire. On se sent un peu mal à l'aise d'être dans une position de voyeur, car derrière, il y a la mort d'une jeune fille.
Ce qui est frappant dans les propos de Péroline et de Stéphane, c'est que ni elle ni lui ne semblent se rendre compte de la sauvagerie de ce qui s'est passé. Comme s'ils étaient dans une sorte de normalité. Beaucoup de faits divers, comme celui des surs Papin, qui a inspiré le théâtre et le cinéma, posent la question du passage de la normalité à la folie. «J'atterris», dit Péroline. C'est extraordinaire. Ils sont dans une sorte d'univers déréalisé. Et en même temps ils ont eu un bébé ensemble, ils ont donné la vie. Ils ne peuvent pas ne pas avoir conscience de ce qu'est la vie, la mort. C'est difficile à concevoir. Mais quand Péroline accompagne Stéphane dans la voiture pour aller brûler le corps, je n'y vois aucunement de l'amour, mais le geste de soumission totale de quelqu'un de très fragile, de très jeune.
Je suis aussi très frappée par
l'avocate de Péroline. On est loin du professionnalisme des
ténors du barreau. Il y a de l'humanisme en elle. Ce n'est pas
la première fois que je remarque ce genre de réaction
de la part d'avocates, c'est même de plus en plus
fréquent. On sent qu'elles sont elles-mêmes
traversées par le doute, qu'il est de plus en plus difficile
d'établir la frontière entre le bien et le mal. Dans le
fait divers de Cergy, on est ailleurs, dans le spectacle, un fait
divers à l'américaine, là le passage de la
normalité à la folie est plus évident.»
A propos du sommet du G8
«D'une certaine façon, Gênes m'a rappelé 68»
Recueilli par NATHALIE BENSAHEL
Ce qui m'a frappée, c'est le mouvement
antimondialisation de Gênes: j'étais en Sicile. Je me
suis dit que c'était une nouvelle façon de faire de la
politique. Un discours qui se développe en dehors des
théories et de tout ce qu'on connaît. D'habitude, on
trouve toujours de bonnes raisons pour expliquer que le monde est
injuste et on en reste là. Et là, pour la
première fois, on nous dit qu'il n'y a pas de raison
d'accepter cela. C'est un vrai mouvement de jeunes, un vrai
contre-pouvoir face à la pensée unique, qui ne
s'embarrasse pas de la culture politique des aînés. La
plupart du temps, le discours politique s'articule autour de
considérations économiques savantes. Là, ce qui
est intéressant c'est la différence de nature du
mouvement. D'une certaine façon, Gênes m'a
rapellé 68, quand Gilles Tautin est mort (lycéen
maoïste, mort lors d'affrontements avec la police en juin 1968,
ndlr). Le mouvement a brutalement basculé dans le drame. C'est
ce qui s'est passé cet été à Gênes.
C'est surtout ce dont je me souviens.»
A propos du tourisme
«Le danger, c'est de voir des villages entièrement dévolus au tourisme»
Recueilli par NATHALIE BENSAHEL
Isabelle Huppert: «Il faut marcher longtemps pour trouver la nature.»a France attire de plus en plus les étrangers. Tant mieux. C'est normal pour un pays comme la France, culturellement intéressant, beau, avec un art de vivre incontestable.
Le problème, et le danger, c'est qu'il y ait de plus en plus de villages, de sites, d'endroits entièrement dévolus au tourisme et que ça leur fasse perdre de leur authenticité. Cet été, au Pays basque, j'ai pu constater que des petits villages autrefois plus laissés à eux-mêmes sont maintenants préparés pour accueillir des touristes. La moindre petite attraction est indiquée. Bientôt, il y aura marqué arbre, pelouse... Tout est indiqué partout. Il faut marcher longtemps pour trouver la nature.»
A propos des médias
«Ce qui m'intéresse, ce sont les gens»
Recueilli par OLIVIER COSTEMALLE, RAPHAËL GARRIGOS, ISABELLE ROBERTS
Isabelle Huppert: «Je ne suis pas comme Chabrol, qui adore le Juste Prix.» es journaux, je les achète régulièrement. Les lire, c'est autre chose. Je fais mes choix, je pioche ce qui m'intéresse. J'aime bien les brèves, les histoires, plus que les gros pavés d'analyse politique ou économique. Ce qui m'intéresse, ce sont les gens, les destins individuels, comment fonctionne l'esprit humain. Le monde me paraît un peu lointain, opaque. Je m'intéresse à un événement quand il s'incarne dans une personne. Je n'achète pas forcément toujours le même quotidien, je papillonne. J'ai appris que les Français étaient les champions du monde de la lecture de magazines, mais je les lis peu.
Sur le cinéma, je lis à peu près tout: les critiques, les interviews, tout. Ça ne me dérange pas que les critiques soient parfois péremptoires. Ça ne prend de l'importance que parce que c'est écrit noir sur blanc. Mais moi aussi, je passe mon temps à dire du mal de tel ou tel film...
J'écoute beaucoup la radio, surtout le matin. France Inter, France Culture et Radio Classique. En revanche, je ne regarde pas beaucoup la télévision. J'y vais le moins possible pour la promotion des films. Les endroits où on peut parler de cinéma se font de plus en plus rares même s'il en reste tout de même quelques-uns. Le dispositif des émissions est écrasant, la parole est minoritaire. La télé ne laisse pas de temps pour le silence. Je ne regarde pas non plus les films à la télé. J'ai du mal avec le son, je trouve ça fatigant. Je continue à préférer les salles de cinéma.
Je ne suis pas comme Chabrol, qui adore le Juste Prix. Ah bon, c'est fini ? Il va être triste quand il va l'apprendre.
Je ne me suis pas passionnée pour Loft
Story. Ça m'a énervée et intriguée, pas
fascinée. Ce qui m'a intéressée, c'est la
capacité de l'image à créer de la mythologie,
des archétypes fabriqués très rapidement et qui
d'ailleurs seront détruits aussi vite. J'aime bien
Planète et les documentaires, où on sent la
réalité des êtres»
A propos du sport
«Le sportif et l'acteur partagent la solitude et la concentration»
Recueilli par MICHEL CHEMIN
Le foot, mais pas seulement, permet aux gens de pouvoir se projeter dans un univers très délimité, le stade, le terrain de jeu, avec des règles très précises. C'est peut-être ce qui explique l'engouement que ça suscite auprès des gens qui ont besoin de repères stricts ou d'une vie bien encadrée. Ce cadre rigide explose quand il y a des débordements de supporters, de la violence. Je vais parfois au parc des Princes et de tels excès peuvent me faire peur.
Je m'intéresse au foot surtout par procuration, avec mon fils qui y joue, mais j'ai complètement marché dans la dernière Coupe du monde. J'avais également suivi celle d'avant, aux Etats-Unis, quand le Brésil avait gagné. Si cette fois beaucoup de femmes l'ont suivie, je pense que c'est parce qu'elle avait lieu en France et que la France a gagné.
J'aime beaucoup le tennis, le tennis féminin.
Ce qui me touche, c'est la solitude de la
sportive, la concentration et l'effort physique insensé qu'il
faut fournir. Je n'ai pas du tout un regard de spécialiste,
mais je suis saisie par l'émotion. Dans la solitude et la
concentration, on peut voir un parallèle entre un sportif et
un acteur, de théâtre surtout. Dans l'un comme dans
l'autre, il y a une mise en danger avec la possible sanction de
l'échec face à un public.»
A propos du cinéma
«Je n'ai jamais fait un film par hasard»
Recueilli par ANTOINE DE BAECQUE ET JEAN-MARC LALANNE
Isabelle Huppert: «Moi, ce que je redoute ce sont les mauvais films, et ils peuvent être indifféremment français ou américains.»mbassadrice du cinéma français. «Mais qui dit ça? C'est vous! J'ai le confort d'occuper une place à la fois au centre et à la marge du cinéma français. J'ai fait beaucoup de films, mais certains d'entre eux ont été difficiles à monter, n'ont pas trouvé immédiatement un public. Mon parcours a quelque chose d'accidenté. C'est vrai de tous les parcours d'acteurs, mais particulièrement du mien.»
Succès. «C'est toujours réconfortant que des films marchent. Moi, ce que je redoute ce sont les mauvais films, et ils peuvent être indifféremment français ou américains. De toute façon, un grand film finit toujours par être reconnu. Il faut se rappeler que Citizen Kane a été un échec public.»
Etranger. «Très vite, j'ai tourné en Pologne, Hongrie, Italie... C'était ma volonté. Haneke ou Schroeter m'ont proposé des rôles que je n'aurais jamais trouvés en France. Souvent, pour les gens, tourner ailleurs signifie aux Etats-Unis. C'est très irritant. Aujourd'hui, les cinémas les plus forts sont à chercher du côté de l'Asie.»
uvre. «Je ne sais pas s'il y a une cohérence dans ma filmographie, mais il y a une conscience. Je n'ai jamais fait un film par hasard, sans me demander pourquoi je le faisais. J'ai le sentiment fort et précis de me raconter, de dévider un fil intime de film en film, mais à l'intérieur d'univers très différents, en m'y sentant très cachée.»
Nouvelles vagues. «Le cinéma français des années 50 a été très dévalué et n'est pourtant pas si mal. Le cinéma français alterne des moments de déconstruction intense et des retours au classicisme. Aujourd'hui, de nouveaux cinéastes reviennent vers une forme plus à l'anglo-saxonne, moins absolument auteur. Ozon, par exemple, a un côté Frears, passant d'un univers à l'autre. Dans ce va-et-vient entre cinéma de l'intériorité et cinéma tourné vers l'extérieur, aucune catégorie n'est en soi meilleure que l'autre.»