Isabelle Huppert... Toujours Change

Revue du Cinema, Avril 1985

 

Les Changements

 

… revient finalement à exprimer une pérennité rassurante. Le public et les journalistes ont cette tendance à cataloguer par rapport à ces soi-disant changements. Par cette manie, ils expriment quelque chose d'eux, j'en suis persuadée. L'essence même d'un actwur consiste précisément à se déplacer et à ne pas s'installer dans un regitre et on s'en étonne ! On oublie qu'un acteur n'est pas monolithique, il évolue. Les gens préfèrent s'identifier à des images fixes. Il y a des acteurs qui changent plus ou moins aisément, personnellement je le fais plus facilement que d'autres, cela me plaît. J'ai la chance qu'on me donne la possibilité de rôles complètement différents. Pendent très longtemps, on est poursuivi par une première image, par le premier rôle qui vous apporte le succès et cela vous accroche très fort durant des années. Pour moi, ce fut en l'occurrence la dentellière. Puis, j'ai dû faire trois ou quatre films sur un certain mode d'expression intérieur et sur le silence, guère plus. Avec Loulou et Les portes du paradis, j'exprimais des choses différentes, vivantes et extraverties. Les gens se référaient à La dentellière en occultant mes autres interprétations. Tout à coup, au moment de Coup de foudre et de La femme de mon pote, j'ai tenu à préciser tous ces points et du coup on en a beaucoup parlé. En fait, voici du blabla pour pas grand-chose. La chose la plus importante reste la façon de diriger mon métier. Demain, je pourrais refaire La Dentellière et des personnages très dramatiques. Je suis une ligne qui varie au gré de mes désirs quelquefois changeants.

 

Le Désir de frivolité

 

Longtemps, j'ai été sous la coupe de grands metteurs en scène. Très au service de ce qu'ils avaient à dire, je ne me mettais peut-être pas assez en valeur dans leurs films. 'est très compliqué. Il faut établir une différence entre les rôles et l'image qu'on véhicule. J'ai été longtemps(je le suis encore d'une certaine manière) très effacée et cachée derrière les rôles que j'interprétais, d'autant plus que je travaillais avec de grands cinéastes, je faisais donc partie d'un tout. De toute façon, je suis une actrice de metteurs en scène, je ne pourrais pas travailler avec des réalisateurs que je ne respecte pas ou que je n'admire pas. Simplement aujourd'hui, je me démarque davantage d'eux et je fais plus attention à moi. Avant, je dégageais une énorme passivité dont ils se servaient complètement. Je suis allée vers quelque chose de plus révolté et j'ai maintenant envie d'exprimer cette révolte dans mes compositions.

 

Dans la femme de mon pote, j'entrais dans la caricature avec un personnage de bande dessinée. Vouloir jouer des personnages plus sophistiqués correspond à une certaine évolution physique. Pendant longtemps, j'ai plutôt privilégié les états d'âme au cinéma et je m'appuyais sur une démarche en quelque sorte psychodramatique. C'est vrai, mon attitude a changé par rapport au cinéma. De jeunes comédiennes se font connaître pour leurs qualités purement physique et elles aspirent ensuite à prouver leurs qualités d'actrices. J'ai la sensation d'avoir parcouru le chemin inverse. En effet, j'ai certainement montré dès le début que j'étais une vraie actrice dans le sens où je pouvais exprimer des émotions et une intériorité. Par la suite, j'ai désiré jouer avec mon physique. Je dis souvent une boutade qui caricature ce que je ressens : pourquoi pas être carrément mannequin ? J'exprime ainsi mon désir de frivolité.

 

Une Fascination aveugle et Culturelle

 

On m'a fréquemment qualifiée d'actrice intellectuelle. J'ai tout simplement une réflexion sur mon métier. Dans l'esprit des gens, une actrice demeure un objet de désir, un fantasme, un corps. Si elle réflechit et n'est pas complètement gourde, elle est taxée d'intellectuelle ! En outre, on a dû mal à associer ces tendances à quelqu'un de jeune, une comédienne âgée a davantage le droit d'être intelligente lorsqu'elle fait le point sur sa carrière. Je suis à la fois réfléchie, futile et légère. En fait, paradoxalement, j'ai réfléchi avant de clamer mon envie de futilité. Je pense que mon évolution est commune à beaucoup de femmes de ma génération. Après une période où nous culpabilisions en pensant à notre beauté et nous réagissions par une attitude de refus, nous prnonsaujourd'hui plaisir à songer à notre physique. Cette attitude n'annule aucunement la réflexion.

 

Mes rencontres avec Pialat, Cimino et Godard m'ont particulièrement marquée. J'entretenais avec eux un rapport à la fois très enfantin et adulte, c'était curieux. Je rentrais dans leur jeu et en même temps je les protégeais. Ils m'ont bien utilisée mais utilisée quand même. Sans renier ce que j'ai fait avec eux, je les considère moins qu'à l'époque où j'avais tendance à ne jamais les remettre en question. J'avais une fascination à la fois aveugle et culturelle. Pialat et Godard volent l'acteur tout en le sublimant, là réside l'ambiguïté. Maintenant, je trouve que je leur ai autant apporté qu'ils m'ont apporté. Je les ai extrêmement bien servis, Sauve qui peut et Loulou n'auraient pas été ces films si je n'y avais pas joué. Je n'aurais jamais osé dire ceci avant. J'ai bien perçu ce qu'ils voulaient dire, je l'ai bien exprimé et je ne vois pas pourquoi je ne le signalerais pas. Les actrices et les acteurs détiennent une grande part de créativité, il ne faut pas hésiter à le déclarer. Après avoir vénéré Godard et Pialat, il me faut les rejeter, c'est un processus classique et naturel.

 

La fin de al passivité

 

Auparavant, j'étais « fondue » dans le film et le metteur en scène, je ne voulais absolument pas qu'on puisse me saisir en dehors. Je disais que si j'avais une image, je ne la connaissais pas. Aujourd'hui, je le pense encore, mais de manière différente. En fait, je ressens toujours le besoin que les choses ne soient pas trop précises sur moi en dehors des rôles, néanmoins j'aspire également à une reconnaissance de ma personne en dehors des films. Je veux être singularisée par rapport aux films, je veux émerger. Après avoir été reconnue en tant qu'actrice, je souhaite dire des choses plus fortes. Jusqu'à une certaine époque, je n'avais pas beaucoup pris la parole. En plus, il n'est pas question de me servir de ma vie privée pour entretenir une image. En définitive, je suis une démarche par rapport au cinéma. Si je désire que les gens me perçoivent différemment, c'est pour qu'ils me ressentent différemment dans le film. En me changeant moi-même, je me chagerai dans le film. J'en ai besoin afin d'aborder les rôles autrement et d'établir une relation nouvelle avec le metteur en scène. Peut-être ai-je envie d'être vedette ? En tout cas, lorsque l'on a accédé au rang de vedette, le regard du réalisateur se met à changer. Je suis allée au bout de la passivité. Pialat et Godard jetaient sur moi un certain regard parce que j'étais passive. Maintenant je bute et c'est fini, j'ai besoin que le regard du cinéaste se modifie à on égard.

 

Dorénavant, je vois davantage le cinéma comme un jeu et un plaisir. J'entretiens ave lui un rapport plus ludique. Curieusement, je me penche peu sur mon passé professionnel. Ce sont comme des vagues, des traces constamment effacées sur le sable. J'ai toujours le sentiment de recommencer quelque chose. Heureusement, les metteurs en scène ont confiance en vos capacités et vos envies de changements, ils ont cette imagination qui manque aux journalistes. Très souvent, on ne respecte pas l'acteur et il n'y a pas beaucoup d'intelligence dans la façon dont les gens nous regardent. La plupart du temps, les exigences de l'acteur ne sont pas des caprices. Pour se faire entendre, il se sent parfois obligé de devenir violent ou mégalo. Il s'ave difficile de se faire entendre et de convaincre. Pour ce, il faut dire les choses haut et fort, j'ose maintenant le faire. Je suis plus détachée et je me fiche de ce que pensent les gens.

 

Le théatre

 

J'aimerais bien refaire du théâtre, j'ai du mal à me décider. De même que dans le cinéma ma démarche passe avant tout par les metteurs en scène ; au théâtre j'ai envie d'être mise en valeur tout en voulant un grand metteur en scène. Ce ne sont purtant pas forcément dans les grandes mises en scène que les acteurs émergent le plus dans leur individualité et leur singularité. En France, il existe un fossé entre l'acteur de théâtre et l'acteur de cinéma. Aux Etats-Unis, les acteurs de cinéma reviennent plus facilement sur scène. Ici, une fois que l'on a commencé dans un domaine, on est pris dans un engrenage. Depuis peu, la situation est en train de changer. C'est une question d'opportunité et d'occasion. Au cinéma, un cinéaste rêve de vous et vous sollicite. Au théâtre, le processus est peut-être inverse et je devrais avancer mes envies. J'aimerais qu'on me demande ! Si Patrice Chéreau ou Peter Brook me réclamaient demain, je n'hésiterais pas. Je pourrais peut-être leur suggérer l'idée…

 

Jouer des héroïnes

 

On préfère toujours faire des films qui marchent. Je ne tiens pas non plus à faire n'importe quoi comme succès populaires. Coup de foudre et le meilleur exemple d'un film à la fois d'auteur et populaire. Je ne suis pas une actrice marginale. Je revendique tout fait le star system. Je ne fais pas de films confidentiels, certains marchent plus que d'autres, voila tout. Plus on me voit, plus je suis contente. De toute façon, on ne peut pas prévoir le succès à l'avance. Il ne faut pas avoir une vision sélective des films et les ranger dans des ghettos.

 

Les gens ont toujours tendance à constituer des groupes autour des artistes. On a parlé notamment d'une génération d'acteurs. Je ne me sens pas particulièrement issue d'une « école » ou d'une génération d'acteurs, en dehors de l'âge bien sûr. Au début, peut-être parce que je jouais davantage sur une intériorité, il s'est développé à mon sujet une espèce de discours anti-star auquel je ne souscris pas du tout et qui m'énerve vraiment. Je ne me sens pas plus anti-star qu'une autre. Je ne sui pas proche des gens, je n'ai pas la sensation d'être madame Tout le Monde. J'ai envie de faire du cinéma pour jouer les héroïnes. Même le personnage populaire et simple de La dentellière accédait au rang d'héroïne en allant vers un destin. Je veux interpréter des personnages hors du commun, des destinées. J'ai l'impression d'avoir été, à un cinéma qui aurait filmé les gens d'une manière très terre à terre. Qu'on me nomme les films, je ne vois pas desquels il s'agit, je ne comprends pas. Le cinéma joue toujours à la fois sur une proximité et sur un éloignement, voici la définition même d'un héros. Le cinéma, au contraire de la télévision, crée une distance et une fascination auxquelles il faut se tenir. Ce mécanisme est inhérent au bon cinéma. Pialat est un bon exemple car il crée une sorte de naturalisme tout en étant très cinématographique. Chez lui, on trouve un enchaînement de scène particulièrement irréel, souvent les raccords ne sont pas justes. Son authenticité n'a rien à voir avec le réalisme. Il opère dans ses films une espèce de re-création du réel. Au cinéma, l'idée de naturel est une fausse notion.

 

L'angoisse de l'acteur

 

Avant, je disais qu'être actrice correspondait à une survie, maintenant je dis que c'est une façon de vivre et d'être. Celui avec lequel j'ai rencontré le plus d'écho à cette pensée reste Godard. Être acteur ou metteur en scène correspond à un état, à un regard sur les vies et les choses. Tourner avec Godard, c'est se remettre en cause et se poser des questions sur le cinéma. Personnellement, cela ne m'apprenait rien puisque j'avais cette notion intuitivement, je ne l'ai pas découverte avec lui. J'ai toujours entretenu ce rapport de questionnement par rapport au cinéma, simplement Godard permettait de bien le théoriser. Dans le fait d'être actrice, au-delà de toutes les rationalisations et explications, il persiste quelque chose de mystérieux et de magique. Je préfère ne pas retourner les scènes plusieurs fois de suite, j'ai toujours le sentiment de moments magiques impossibles à renouveler. C'est un désir et un besoin violent de faire passer quelque chose sur un écran. Parallèlement à cette intensité, j'aime la frivolité de ce métier. Comme une petite fille, j'aime me déguiser. Il existe un côté très futile chez l'actrice, je le revendique. La futilité n'est pas forcément légère. Je fais preuve d'une grande exigence, celle de la rigueur. Je réalise de plus l'importance d'une certaine droiture, honnêteté et rigueur. Je l'ai toujours mis en pratique mais plus le temps passe, plus c'est primordial pur moi et plus je me sens en perpétuel état de rébellion et de révolte. Finalement, j'ai souvent le sentiment de me faire avoir. Si j'étais metteur en scène, si j'avais une fonction plus directement loée au pouvoir, je me sentirais peut-être mieux. Les acteurs éprouvent fortement le sentiment d'être manipulés, ce qui explique leurs « caprices ». Nous avons choisi ce métier en étant conscients de ce phénomène mais il persiste quelque chose qui ne se résout pas en nous, une forme d'angoisse. La passivité de l'acteurs est poutant nécessaire et en fait elle se révèle active. Son côté enfantin apparaît dans cette docilité. Personnellement, je ne vais pas vérifier la facture proprement dite d'un film, cependant je tiens à contrôler certains aspects de l'image liés à ma propre subjectivité. J'ai un souci du détail, je suis très obsessionnelle et je ne capitule pas facilement. Si on me veut, que l'on me prenne avec mes obsessions, dans mon talent on trouve mes idées fixes ! Quand elles ne se ráslisent pas, c'est douloureux. Malgré tous mes propos sur la non-prise de puvoir, je suis heureuse d'être actrice. J'ai davantage de choses à montrer qu'à dire et pur l'instant je ne suis pas tentée par la mise en scène.

 

Un personnage original dans SIGNÉ CHARLOTTE

 

Depuis Coup de foudre, j'ai tourné avec certains cinéastes femmes, c'est le hasard. Je ne vois pas de différence. En tant qu'actrice, je me comporte exactement comme avec les hommes, j'essaie de les séduire de la même façon. Tourner avec une femme n'est ni mieux ni moins bien. On trouve autant de féminité chez les metteurs en scène hommes. Il y a le cinéma tout court avec ses tendances féminines et masculines. Pendant cinquante ans, on l'a envisagé comme un métier d'homme, on s'aperçoit maintenant que c'est aussi un métier de femme, point final.

 

Dans SIGNÉ CHARLOTTE, j'interprète Charlotte, un personnage déroutant, une marginale, chanteuse punk, qui surgit tout à coup dans l'univers d'un homme qu'elle a aimé des années auparavant. On comprend une quand elle l'a quitté, cet homme Niels Arestrup) s'est installé dans une existence rangée et bourgeoise avec Christine Pascal. On comprend que Charlotte trimbale un énorme secret, un gros fardeau. Le film raconte comment il va essayer de l'aider et comment elle va le fasciner à nouveau. Charlotte est constamment en fuite, elle se cache derrière des costumes, et des visages différents. Ce personnage me plaît car il est vraiment nouveau et difficile à rattacher à une quelconque référence. Je pense que ma sœur Caroline a inventé un type de caractère qui n'avait jamais été montré au cinéma. Charlotte est en effet un peu fatale, enfantine, touchante, très narcissique et jamais antipathique. Face aux hommes, les femmes se comportent souvent de façon narcissique. Charlotte fait du mal sans le savoir et le réaliser la fait souffrir. Elle est comme le scorpion qui pique et qui dit : « C'est ma nature. » Caroline a réussi à faire accepter ce personnage un peu funambule, perpétuellement sur le fil du rasoir. Le film est très rythmé, à la fois grave et léger, inclassifiable. Ni un drame psychologique, ni une franche comédie, il reste très aérien. Il pose une question primordiale : peut-on oublier un grand amour et surtout peut-on le revivre une seconde fois ? La réponse s'avère mélancolique puisque l'on ne peut ni oublier ni aimer à nouveau.

 

J'avais déjà fait du théâtre pour Caroline dans On ne badine pas avec l'amour. Nous partageons une réelle complicité. Curieusement, elle se montrait plus intransigeante envers moi que d'autres metteurs en scène. Depuis notre enfance, nous sommes très proches, elle possède donc de moi une vision privilégiée qui transparaît sur l'écran. Les gens qui me sont proches trouvent le personnage étonnamment proche de moi. Je ne m'étais jamais vue ainsi dans un film et j'en suis contente.

 

Le premier film de Josiane Balasko

 

Le film de Josiane Balasko, Sac de nœuds conte l'histoire de trois personnages qui se rencontrent d'une façon inopinée. Ils sont fort différents. Josiane Balasko est un personnage pochardisant, sale et dépenaillé. Moi, je suis une espèce de sucre d'orge, une Marilyn de banlieue avec robe rose fluo. Farid Chopel a un côté La vie est à nous, un peu titi parisien des années 30-40. Tous trois sont des marginaux en fuite. Le film suit leur cavale sur les routes à travers la France, au cours de situations abracadabrantes. Josiane y met sa vision d'un certain monde avec un côté quelque peu « macadam-cowboy », violent et poétique. Sorte de Valseuses des années 80, le trio est ici modifié puisque composé de deux femmes et un homme. On va retrouver l'univers de Balasko avec quelque chose en plus, une puissance dans les images. On ne le soupçonnait pas et pourtant on va la découvrir en tant que cinéaste.

 

Une boulimie de cinema

 

J'ai souvent le sentiment d'avoir fait plein de choses et pourtant d'en avoir encore beaucoup devant moi. J'ai envie de tout, je suis boulimique. K'aime bien la comédie à l'américaine avec son côté pétillant et léger. Je désirerais aussi travailler beaucoup de metteurs en scène, Sautet et Wenders entre autres. J'apprécierais de retourner en Italie et aux Etats-Unis où j'ai adoré faire Les Portes du Paradis. Je suis actrice et par définition je suis prête à aller n'importe où avec un bon cinéaste. Je ne pourrais pas m'expatrier complètement car je renferme une culture française et un besoin de créer ici. Je tourne en avril le prochain film de Gilles Béhat avec Bernard Giraudeau et j'ai un projet avec Claude Chabrol.

 

La notion de choix demeure très relative chez un acteur car cela fonctionne en fonction du désir de l'autre. Quand un acteur vous affirme ne pas savoir quoi choisir, dans 90% des cas c'es faux. Peu de bonnes propositions se présentent et le choix s'opère facilement. J'ai arrêté durant sept mois et je le refais pendant quatre mois jusqu'en avril. Pour moi, le luxe constituerait de ne tourner désormais que deux films par an J'ai envie d'un rythme plus calme mais qu'il est dur de refuser un beau rôle !

 

Propos recueillis par Denièle Parra